Fixer un objectif national
Face à l’inquiétude suscitée par le taux d’utilisation inappropriée des antipsychotiques au Canada, un groupe d’experts indépendants a été constitué en 2024 afin d’effectuer une revue systématique des données recueillies au Canada et ailleurs dans le monde, et de recommander un objectif national pour la fréquence d’utilisation de ces médicaments. Le groupe est parvenu à un large consensus et a émis les recommandations suivantes :
- Objectif à l’échelle nationale pour le Canada :
Le groupe recommande l’adoption d’un objectif de 15 % pour l’indicateur de qualité « utilisation potentiellement inappropriée des antipsychotiques dans les soins de longue durée » pour les établissements de SLD du Canada. Remarque : L’objectif est un taux ajusté en fonction du risque à l’échelle de l’établissement. Aucun calendrier n’est associé à l’atteinte de l’objectif. - Objectif d’amélioration annuelle :
Pour les établissements de SLD qui n’atteignent pas l’objectif fixé pour les établissements de SLD au Canada, le groupe recommande l’adoption d’une réduction relative de 15 % en tant qu’objectif annuel d’amélioration pour l’indicateur de qualité « utilisation potentiellement inappropriée des antipsychotiques dans les soins de longue durée ». L’objectif à l’échelle nationale et l’objectif d’amélioration annuelle constituent une recommandation pour l’amélioration de la qualité et non une obligation pour les établissements de SLD.
Foire aux questions
Qu’entend-on par « utilisation potentiellement inappropriée d’antipsychotiques »?
L’expression « utilisation potentiellement inappropriée d’antipsychotiques » désigne l’emploi de ces médicaments pour traiter des personnes qui n’ont pas reçu de diagnostic de schizophrénie ou de maladie de Huntington, qui ne présentent pas d’hallucinations ou de délires et qui ne sont pas en fin de vie.
Quels sont les risques liés à l’utilisation inappropriée des antipsychotiques?
Les antipsychotiques sont associés à des risques importants, notamment un risque accru d’accident vasculaire cérébral, de chutes, de fractures, de pneumonie, de thrombose, voire de mort.
Dans quelles situations les antipsychotiques sont-ils employés pour la prise en charge des comportements associés avec la démence?
Les antipsychotiques peuvent être utilisés à court terme dans certaines situations où des comportements tels qu’une agression grave ou un comportement réactif entraînent un risque grave important pour le sujet ou pour d’autres personnes. Ces médicaments doivent normalement être réservés aux urgences où il existe une probabilité de préjudice important en l’absence de traitement, ou encore aux situations moins urgentes, à la suite d’interventions non pharmacologiques et moins risquées s’étant révélées inefficaces, lorsque les bienfaits l’emportent sur les risques, et uniquement avec le consentement informé du sujet ou de son ou sa mandataire.
Par quelles approches comportementales ou environnementales pourrait-on remplacer les antipsychotiques?
Voici quelques approches comportementales possibles :
- Identifier les déclencheurs des comportements perturbateurs (ex. : douleur, faim ou surstimulation) et intervenir sur ces derniers.
- Utiliser des techniques d’apaisement adaptées, comme la musicothérapie ou la création d’un environnement rassurant.
- Améliorer la communication, par exemple en faisant appel à des indices non verbaux ou à des instructions simples.
- Proposer des activités utiles dans le but de diminuer l’ennui et l’agitation.
- Comprendre les besoins insatisfaits de la personne, ainsi que sa routine, son histoire, ses forces et ses préférences.
- Offrir au personnel et aux aidantes et aidants familiaux une formation sur les approches individualisées des soins.
Quels sont les avantages potentiels de la déprescription des antipsychotiques?
La déprescription des antipsychotiques est un processus planifié de réduction ou d’arrêt des antipsychotiques lorsqu’ils ne procurent plus de bienfait ou qu’ils risquent d’entraîner un préjudice. Elle peut avoir plusieurs effets bénéfiques pour les résidents, la famille et les prestataires de soins :
- amélioration de la qualité de vie;
- amélioration de l’indépendance, de la mobilité et de la vigilance;
- amélioration de la relation avec la famille;
- augmentation de la capacité à socialiser et à participer à des activités.
Quelles sont les conditions nécessaires à la mise en place efficace de stratégies comportementales pour réduire la dépendance envers les antipsychotiques?
La mise en place de stratégies comportementales peut comprendre les éléments suivants :
- formation du personnel;
- allocation d’un temps adéquat pour l’évaluation et la surveillance des comportements individuels;
- élaboration d’un plan de soins centré sur la personne, adapté à ses besoins et tenant compte de ses forces et de ses préférences;
- leadership encourageant et ressources de soutien afin que le personnel dispose des outils nécessaires pour ces interventions;
- participation de la famille, selon le cas.
Quelles sont les causes courantes de la prescription inadéquate d’antipsychotiques?
L’utilisation inappropriée d’antipsychotiques peut être influencée par :
- une culture privilégiant l’acte de prescrire plutôt que les pratiques centrées sur la personne;
- un manque de formation offerte sur les stratégies centrées sur la personne;
- les contraintes de temps, qui compliquent la mise en place des interventions non pharmacologiques;
- les erreurs d’interprétation faisant confondre l’expression de besoins insatisfaits avec des symptômes psychiatriques;
- la pression exercée par la famille ou l’équipe de soins pour une prise en charge rapide des comportements;
- la réticence à arrêter des antipsychotiques qui ont été prescrits avant l’admission du patient au centre de SLD ou par un spécialiste.
Les pénuries de personnel pourraient-elles être la cause de l’augmentation de l’utilisation des antipsychotiques?
Les pénuries de personnel peuvent effectivement être un obstacle à toute stratégie d’amélioration de la qualité, mais considérer les antipsychotiques comme un outil permettant de pallier des problèmes de dotation en personnel ou de formation est une pratique qu’on ne saurait recommander. Résoudre ces problèmes revêt une importance cruciale lorsque l’on vise à offrir des soins de grande qualité, tout en diminuant le plus possible l’utilisation inappropriée des médicaments.
Les antipsychotiques sont-ils davantage prescrits dans les services comportementaux des établissements de soins, et est-ce que cela influe sur l’indicateur « utilisation potentiellement inappropriée des antipsychotiques »?
Il est possible que les antipsychotiques soient davantage prescrits dans les services comportementaux, en raison de la complexité inhérente à la prise en charge des comportements plus réactifs. L’indicateur « utilisation potentiellement inappropriée des antipsychotiques » représente les cas où ces médicaments sont prescrits à des personnes n’ayant pas reçu un diagnostic pour lequel ces médicaments sont indiqués.
Que doit-on faire lorsqu’un résident ou une résidente ne répond pas aux critères pour l’administration d’antipsychotiques, mais que ces médicaments sont la seule option thérapeutique efficace?
Le but n’est pas d’éliminer complètement l’utilisation des antipsychotiques, mais de s’assurer qu’ils sont prescrits de manière appropriée. Par exemple, les antipsychotiques peuvent être indiqués pour traiter les personnes qui présentent un trouble bipolaire ou un trouble dépressif majeur, ou encore pour traiter des comportements agressifs chez des personnes atteintes de démence grave. Dans les cas complexes, la décision de traiter doit être prise selon le jugement clinique, après évaluation approfondie du rapport risques/bienfaits, et en consultation avec l’équipe soignante, la famille et la personne concernée lorsque possible.
Étant donné que l’indicateur de la qualité en soins de longue durée mesure l’utilisation potentiellement inappropriée plutôt que l’utilisation inappropriée, il est possible qu’il inclue aussi un certain nombre de résidents recevant des antipsychotiques de manière appropriée. Une utilisation hors indication, mais cliniquement raisonnable, par exemple pour un trouble obsessif-compulsif, un syndrome de stress post-traumatique ou encore un trouble d’anxiété généralisée, pourrait être considérée comme potentiellement inappropriée. C’est pourquoi la cible n’a pas été fixée à zéro afin d’accorder une flexibilité pour les situations où les bienfaits l’emportent sur les risques.
Est-il juste de comparer l’utilisation des antipsychotiques entre divers établissements de soins de longue durée, surtout lorsqu’ils soignent des cas complexes?
L’indicateur de qualité « utilisation potentiellement inappropriée des antipsychotiques » est ajusté pour le risque afin de permettre des comparaisons justes. L’ajustement pour le risque vise à tenir compte des différences pouvant exister dans les paramètres relevant des résidents et des établissements. Autrement dit, l’indicateur est conçu pour tenir compte des établissements où l’on soigne un grand nombre de cas complexes – par exemple, des résidents et résidentes ayant une agitation motrice, des problèmes modérés ou graves de prise de décision, des problèmes de mémoire à long terme, des troubles comme la maladie d’Alzheimer ou d’autres formes de démence, ou encore des résidents et résidentes relativement jeunes (de moins de 65 ans).
L’indicateur « utilisation potentiellement inappropriée des antipsychotiques dans les SLD » a été mis au point par les chercheurs du réseau de collaboration interRAI, qui compte notamment des experts internationaux. Les chercheurs de l’interRAI effectuent des recherches sur des indicateurs de qualité et en publient les résultats, et ce, continuellement, s’assurant de la validité et de la pertinence de leurs mesures.
Mon établissement de soins a récemment fait la transition de l’outil RAI-MDS à l’outil LTCF. Comment faire pour en tenir compte lors du calcul et de la comparaison des cibles associées à l’indicateur?
L’indicateur « utilisation potentiellement inappropriée des antipsychotiques » est calculé à l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) depuis plus d’une décennie. Une analyse statistique des données longitudinales provenant d’unités administratives ayant fait la transition du MDS 2.0 au LTCF a été effectuée afin de déterminer la comparabilité des deux indicateurs. Sur la base de cette analyse statistique, de consultations avec interRAI et de l’expertise clinique, on a conclu que les taux calculés avec le LTCF sont comparables et équivalents à ceux calculés avec le MDS 2.0. Aucune donnée probante n’indique que le choix de l’outil aurait une influence sur le résultat quant à l’atteinte du taux cible ou de la réduction annuelle du taux selon l’indicateur. L’analyse de la comparabilité des outils se poursuit, l’ICIS continuant de recevoir des données relatives au LTCF de diverses régions du Canada.
Que puis-je faire si je veux commencer ? Par où commencer ?
- Examinez vos résultats les plus récents en matière d’utilisation potentiellement inappropriée d’antipsychotiques avec un groupe de membres du personnel et de médecins de votre établissement, y compris les cadres supérieurs. Existe-t-il une volonté commune d’améliorer ensemble vos résultats ? Si oui, passez à l’étape 2 !
- Créez un groupe de travail avec les personnes intéressées, en veillant à ce qu’au moins un médecin, une infirmière, un pharmacien, un aide-soignant et un responsable opérationnel y participent.
- Accédez aux ressources disponibles afin d’identifier un groupe de résidents pour vos interventions ciblées et votre évaluation. Vous pouvez par exemple accéder au programme Impulser le changement de Excellence en santé Canada et, pour les résidents de l’Ontario, au programme de l’ISMP Canada.